Linux Loader n°3 - Septembre / Octobre 2000
 

Expérience sur un terrain (difficile) bis...
une histoire qui finit bien (quand même).

Eric Betencourt est professeur des Ecoles (les instituteurs ont changé de statut), il explique le véritable parcours du combattant qu'il a mené pour doter son établissement d'un réseau informatique capable de tenir la route. Cette dernière, vous allez pouvoir le constater a été plutôt longue. « Notre Ecole primaire jean Jaurès 1 fait partie d'une zone scolaire appelée R.E.P (réseau d'enseignement prioritaire). Il en existe un grand nombre en France, surtout dans les quartiers défavorisés, puisqu'ils ont été institués en fonction de critères socio-économiques et scolaires, autour de collèges référents. Les R.E.P ont succédé aux ZEP plus connues (zone d'enseignement prioritaire). Notre commune Clichy-sous-bois est la plus pauvre de Seine Saint Denis (93) et fut longtemps l'une des plus endettées. Nous avons 13 groupes primaires et une dizaine d'écoles maternelles, deux collèges et un troisième en prévision, un lycée et un lycée technique.

A la découverte de Linux
Nous avons connu le plan Informatique pour tous en 1981 dont le mérite fut de permettre qu'une salle vide soit équipée (porte blindée, prises électriques) et accessoirement quelques enseignants furent formés ou se formèrent à l'utilisation du nano réseau (un 286 pilotant des M05). Il nous reste 4 Mo5 pilotés par le serveur que j’utilise dans ma classe pour faire de la géométrie avec Logo.
Petit à petit, nous avons utilisé la possibilité qui nous est donnée par les Projets d'école et les demandes d'aide complémentaire pour acheter

une année un PC, une autre une imprimante, récupérant également de plus en plus de matériel (des 386 ou des 486) à droite ou à gauche. L'utilisation de la salle par nos 500 élèves (JJ1 et JJ2, les deux écoles siamoises) a mis ce matériel à rude épreuve mais globalement seuls les tapis de souris ont véritablement souffert des diverses manipulations des enfants (qui sont âgés de 6 à 12 ans), sous le regard attentif des enseignants toujours plus ou moins formés et se contentant souvent par défaut défaire du « mange logiciel », ne connaissant rien d'autre. Enfin est arrivé le moment de la révélation. Suivant depuis longtemps, par journal papier interposé, l'évolution de l'informatique personnelle, j'ai attendu septembre 1998 pour plonger personnellement dans les délices du Web...
De fil en aiguille et de site en site, je découvrais l'existence de Linux et de récits d'expériences scolaires effectuées au Canada ou en France et très souvent au niveau des lycées. Dans ces récits découverts par exemple sur le site de l'AFUL, je voyais surtout trois points:
- la possibilité de travailler avec du matériel dit obsolète et de les intégrer à un réseau puissant au regard des attentes dans l'enseignement primaire.
- une grande souplesse et évolutivité de la structure du réseau et des services rendus par le serveur en toute transparence (dès lors que je comprendrai quelque chose à toutes ces nouveautés.
- une communauté d'utilisateurs ouverts et disponibles, prêts à aider les débutants à un point que je n'aurais auparavant jamais imaginé.

MUn appel à l'aide
Il fallait à présent vérifier que les récits étaient véridiques et que tout fonctionnait comme annoncé. Nous avons donc contacté un des principaux acteurs visibles de la communauté Linux, M., qui a accepté de nous faire visiter un lycée privé de Paris où plusieurs salles avaient été montées en réseau avec des serveurs Linux. Le voyage en avril 1999 fui profitable et convaincus par ce que nous avions vu, nous avons bien expliqué à M. que notre désir de réseau Linux se heurtait à notre incompétence et notre pauvreté qui nous interdisait l'achat de hub, cartes réseau et divers câbles.. Ces deux obstacles furent vite surmontés car M. obtint de sa société qu'elle nous offre de quoi débuter et publia aussitôt sur son site un appel à l'aide pour les enseignants de jean Jaurès 1. Les réponses ne tardèrent pas et nous reçûmes encouragements, matériels pour le réseau et surtout la proposition d'Apodéline de nous rencontrer pour préciser notre projet, ce qui fut fait en juin 1999, Dès lors tout avança vite, les membres d'Apodéline revenant plusieurs fois sans se lasser, malgré les défaillances matérielles et les surprises apportées par des PC tous différents les uns des autres, de la carte mère à la carte réseau... En tout cas nous avons pu, dès septembre 1999, offrir à nos élèves un réseau d'une dizaine de postes clients sous W95, partageant une imprimante, un lecteur Zip, leur lecteur de CD (ils n'en sont pas tous pourvus) ou leur disque dur et surtout, une connexion Internet offerte par la mairie et supportée par le serveur Linux (Debian 2.0). Depuis nous avons progressé encore, toujours avec

 des membres fidèles Apodéline et notre serveur est interrogeable à distance, notre parc de PC s'est enrichi et nous voici prêts à sortir le réseau de la salle 'Informatique, chacune des 12 classes devant recevoir un P100 en dualboot. Tous les services de partage de fichiers et de partage de connexion internet seront repris mais nos objectifs sont que cet intranet permette:
- aux élèves, d'aborder le travail coopératif inter classes ou intercycles sous un nouvel angle, que des débats (web cam) puissent avoir lieu en direct ou en différé sans qu'il soit nécessaire de déplacer 250 élèves, donc une autre approche de l'apprentissage à la démocratie, etc.
- aux enseignants, de profiter de cet espace de rencontre et de discussion (nous ne nous voyons que très peu sinon) et d'être formés au travail en collaboration, etc.

@Sacrifice
Ce que nous préparons: dans l'école se déroulent des ateliers de journal scolaire, site internet et pour bientôt une tentative de télé web. Avec l'aide d'Apodéline un grand nombre de tâches vont être automatisées au niveau des élèves et des scripts écrits pour que la gestion du serveur (droits d'accès, effacement des fichiers, etc) soit simplifiée et lisible par d'autres que moi car la gestion du Parc est très lourde et il faut que les enseignants soient autonomes eux aussi. Un Serveur de secours est en cours d'installation et d'autres projets S'élaborent (écriture d'un logiciel pédagogique par exemple). Pour tout cela nous avons bénéficié du soutien actif d'Apodéline et de la communauté Linux Notre inspecteur de circonscription nous a également accore sa confiance lorsqu'il s'est agi de répartir des moyens exceptionnels pour un temps limité, nos demandes d'heures supplémentaires ou de matériel ont été abondées au niveau de l'inspection

académique même si nous n'avons pas obtenu tout ce dont nous rêvions ou ce que nous souhaitions. Enfin la municipalité de Clichy-sous-Bois nous a aie financièrement et matériellement (ligne téléphonique, communications internet, etc), allant jusqu'à nous prêter un J7 avec pour chauffeur le premier secrétaire de mairie pour une opération de récupération dU. C. Donc nous ne sommes pas seuls.. sauf en ce qui concerne la formation et c'est là que se trouve le gros problème. Nous ne sommes pas des informaticiens et à moins de sacrifier notre travail d'enseignants (en plus de notre vie familiale comme tous les passionnés d'info), il est difficile de tout apprendre, tout gérer et tout entretenir Nous manquons d'heures libérées pour l'entretien de notre « parc », nous manquons de formation en général, de formation informatique en particulier et la formation à Linux et aux réseaux est purement et simplement inexistante.. pour les enseignants lambda En fait elle existe pour les formateurs et nos nouveaux collègues animateurs des PMC, (Point Media Conseil qui implantés dans les collèges référents des REP prêtent du matériel et de l'assistance humaine). Donc tout n'est pas noir même si une fois de plus c'est sur la bonne volonté et la plus ou moins grande richesse des communes que tout repose. En conclusion, je pense qu'il faut une fois de plus accepter que si un effort au niveau du matériel fourni aux écoles est fait par l'Etat, il doit être accompagné par un effort financier conséquent sur le plan de la formation. Que dans chaque école au moins un enseignant sache gérer un réseau et le fasse sous Linux afin que la transparence et l'évolutivité de systèmes de plus en plus stables soit assurée. Pour convaincre nos décideurs, je pense que la visibilité est un atout et qu'il ne faudra pas hésiter à inviter notre nouveau ministre, Mr Lang, dès septembre ou octobre, à venir nous rendre visite.

Eric Betencourt